TELE AU ROYAUME DES OMBRES - les humanoïdes associés, 1983 (by N.C)
Nympha Stumeadiana Stu Mead (by N.C)
Sortie : Nympha Stumeadiana Stu Mead - 150 exemplaires signés - 25 euros, commandable en ligne ici : https://galerie-e2.org/nymphea-stumeadiana/
Ti5DUR chez l'APAAR (1986) (by D.L)
ARTISTES RONDS, ARTISTES CARRES (by N.C)
(De gauche à droite, Jacques Pyon, Bruno Richard dans Peltex n°5)
A Model-Peltex, on est plutôt portés sur l'angle, mais comme on est très tolérants envers les gens différents, il est arrivé que des courbes soient admises dans nos pages 😁😁😁😁
FANTASTIC PLOTTE! (by D.L)
PELTEX N°11 "J'ai pris la poussière dans le grenier de ma tête" (by A.H)
Sur le front des graphzines, PELTEX n°11 "j'ai pris la poussière dans le grenier de ma tête et j'en ai fait une galette".
Fruit de la complicité quasiment familiale entre Dominique Leblanc, graphiste de la vieille école underground française, et Nadia Canbell, la schizophrène poétesse montante de la Jeune Poésie Française (J.P.F), l'opuscule à quatre mains nous livre une demi-douzaine de poèmes ciselés et acides, qu'illustrent puissamment les dessins au scalpel du dessinateur vedette de Model-Peltex.
L'objet est petit : 15 x 10,5 cm, et - vintage oblige - tiré à la photocopieuse couleur. Couverture cartonnée, 50 exemplaires numérotés, une quarantaine de pages, discrétion et côté cheap revendiqués. Rien à dire, on est bien dans l'univers désenchanté et fauché des Model-Peltex.
Vendu 6 euros port compris sur le site de l'association et, curieusement, sur Ebay, on a du mal à comprendre comment l'édition peut-être rentable, étant donné les frais de fabrication. Joint par téléphone, Leblanc nous confirme qu'effectivement elle ne l'est pas, et que ça n'a strictement aucune importance. Bel exemple de dévouement à la cause graphzine, ou à sa propre cause, les deux se confondant souvent !
Illustration : Dominique Leblanc (ci-dessus) Texte : Nadia Canbell (ci-dessous)
Lapin mort
Tombé du ciel un éclat de
verre
Dans mon bol de lait
Enchantée, lui dis-je
Restez s’il vous plait
Pas fini mon bol de lait
Pas fini la tartine
Pas fini de finir
Des ciseaux roses qui s’enfichent
Dans les yeux du lapin mort
Enchantée, ai-je murmuré
Restez s’il vous plait, je
n’ai pas fini
Pas fini mon bol de lait
Pas fini la tartine
Pas fini de tartiner
Les petits trains sans fin
Les petits riens sans faim
S’estompent
DO IT YOURSELF- parution de FANZINORAMA, Marie Bourgoin & Matthieu Rémy (by D.L)
La présentation n'est pas sans rappeler le récent Xavier-Gilles Néret, GRAPHZINES/GRAPHZONES .
FANZINORAMA, La Fanzinothèque - Edition Hoëbeke - 4000 exemplaires - une histoire de la bande dessinée underground par Marie Bourgoin avec la collaboration de Matthieu Rémy, 2019 - 25 euros.
Qu'est-ce qu'un graphzine ? Interview Francoise Duvivier/Dominique Leblanc
Interview réalisée vers 2012. Elle est présente ici car toujours d'actualité.
Françoise Duvivier est une écrivaine, une poète et une
plasticienne (j’en oublie) française de renommée internationale. Son œuvre est
présentée sur le site http://www.damagedcorpse.com
Dominique Leblanc est un plasticien français également connu pour avoir édité des graphzines (Peltex, La Langouste, etc.)
Françoise Duvivier - En
quelques lignes et plus dis-nous ce qu'est un graphzine ? Et pourquoi t'es
tu lancé dans cette aventure ?
Dominique
Leblanc - Un graphzine, c’est un livre auto-édité en peu
d’exemplaires, donc rare, rempli jusqu’à plus soif de dessins/peintures/textes/photographies.
Auto édité, surtout.
En général, un graphzine est photocopié ou sérigraphié, plus rarement imprimé en
offset, et souvent en noir et blanc pour des raisons économiques. Sauf la
couverture, généralement mieux réalisée que le reste. On y trouve aussi parfois
des pochoirs, des linogravures, des empreintes de chaussures, des traces
organiques…
A distinguer du fanzine, qui privilégie l’écriture et l’information urgente,
généralement sur des thématiques du moment en rapport avec la musique, la
poésie, ou l’engagement politique/associatif.
Un graphzine, c’est en général le travail d’une seule personne, rarement de deux (ESDS, ZUT Production, Le dernier Cri). Parfois, c’est un groupe, sur le modèle des groupes de rock (Bazooka, Model-Peltex au début).
Les associations 1901 qui sont souvent derrière
sont probablement plus une façade juridique qu’une réalité de travail
participatif.
Le fait qu’un graphzine soit auto-édité à très
peu d’exemplaires a pour conséquence de le rapprocher du livre d’artiste (un
seul exemplaire).
Un graphzine est toujours tiré à assez peu
d’exemplaires (de dix à trois cents maximum). D’abord parce que c’est très difficile
à vendre, faute de réseau de distribution, ensuite parce que c’est un vrai
travail – manuel - à fabriquer. Cent exemplaires à imprimer, relier, poster, le
tout « à la main », ça encombre vite la cuisine.
Pourquoi en avoir créé
un personnellement ? En 1980, c’était à la mode dans les écoles d’art, et notamment aux
Beaux-Arts (Paris, Angoulême). Moins dans les facultés d’arts plastiques d’où
viennent les Models. Sans Bazooka ou Elles sont de sortie, dont on était fans, il
n’y aurait pas eu de Model-Peltex. On a suivi, pour le fun, pour faire pareil.
Il y avait aussi un coté très parodique, y compris des journaux de ces groupes
là. Jamais nous ne nous sommes pris au sérieux. Heureusement parce que la
réciproque est vraie aussi : on ne nous a pas pris au sérieux.
Par la suite, et bien, un graphzine permet de travailler à son rythme, sans
stress, sans dates à respecter, sans souci de rentabilité, sans critiques et à
la limite sans lecteurs. Quand on a une vie professionnelle à côté assez dense,
ce qui est mon cas, c’est à peu près le seul moyen de tenter de faire connaître
son travail graphique. Sinon, il faudrait passer par le circuit des
expositions, des concours, des books et des encadrements. Ce serait un autre
métier.
En résumé, une manière simple de diffuser son
travail, ou même simplement de s’amuser.
Par ailleurs, j’aime beaucoup le papier,
l’imprimé, les photocopieuses, les pochoirs, et tout ce qui va avec l’édition
« à la cuisine » : la mise en page, l’écriture…
Et encore : le jeu de l’édition
« alternative » avec son côté réseau social avant l’heure, qui permet
de rencontrer des gens qui s’intéressent aux mêmes choses que vous.
Françoise Duvivier - Peux tu nous dire quelle est, pour toi, la
différence entre un graphzine et un magazine ? S'il y en a une, d’où
vient-elle ?
Dominique
Leblanc - La publicité et la qualité d’impression. Dès lors
qu’une vraie maison d’édition prend les choses en main, comme l’ont fait à une
époque Le dernier Terrain Vague ou Futuropolis, ou encore Libération, on quitte
le domaine du graphzine, et on entre dans celui de l’édition à vocation
essentiellement marchande. Sans jugement de valeur de ma part….
Et cela, qu’il s’agisse d’un livre ou d’un
magazine. Il va y avoir du marketing, de la publicité, de vrais réseaux de
diffusion, des gens qui en vivent.
Maintenant, entre un fanzine bien fait et un
magazine un peu cheap, peu de différences sans doute.
Françoise Duvivier - Quand as tu commencé?
Dominique
Leblanc - Peltex n°1 est paru en 1981. Ensuite, un numéro à peu
près chaque année, jusqu’en 1989. La série des Peltex 8 a pris au moins 20 ans. En fait, elle n'est pas vraiment terminée, un hors-série est paru en 2019
Françoise Duvivier - Y a t'il des évènements qui t'ont
précisément amené vers cette activité ?
Dominique
Leblanc - Je suis plutôt graphiste, mais peu attiré (en pratique, pas en général) par la bande
dessinée ou l’illustration. Ca ne laisse pas tellement de possibilités
d’expression publique "imprimée".
Françoise Duvivier - Que signifie l'association MODEL-PELTEX,
pourquoi ce mot?
Dominique
Leblanc - Models : c’est Zaza qui a trouvé ça, ça voulait
dire « modèles ». Quand à Peltex, ça vient de la fausse fourrure
éponyme. On adorait ces trucs kitsch, à une époque.
Disons, jolie sonorité, c’est tout.
Françoise Duvivier - Et "La Langouste"?
Dominique
Leblanc - Le nom complet de ce mensuel « d’information
underground » c’était « le cri de la langouste ». Ca vient du
titre d’une pièce de théâtre de John Murrell : « Sarah et le cri de la langouste. ».
Vu que les langoustes ne crient pas, c’était
juste une association de mots percutante. Un oxymore.
J’ai crée la Langouste parce que nous recevions tellement de graphzines et
autres productions alternatives que le seul Peltex ne suffisait pas pour en
parler.
Or les graphzines, ça marchaient comme ça : tu parles de mon journal, je
parle du tien. Du copinage généralisé, en fait. Assez sympathique au demeurant.
Françoise Duvivier - Tu as participé de même à d'autres
distributions comme "LPDA" et autres, qu'as-tu à dire à-propos ?
Dominique
Leblanc - Pas grand chose : mon nom ou celui de Zaza
apparaissent dans une vingtaine d’autres graphzines, généralement introuvables
et que personne ne cherche à retrouver vraiment, à part quelques
collectionneurs très investis.
Si, quand même : nous étions proches de
Z.U.T Productions (Charpentier et Bocahut), on a plus travaillé pour eux que
pour la moyenne des autres. On bossait pareil qu’eux, tout aussi bordéliques.
On a échangé des dizaines de courriers qui étaient de vrais petits graphzines….
J’ai aussi beaucoup correspondu avec Petchanatz, un touche à tout comme moi.
Françoise Duvivier - Quels sont les courants en art qui t'ont le
plus influencé?
Dominique
Leblanc - Les courants
d’air !
Je travaille dans l’enseignement de l’art et, forcément, mes goûts sont
éclectiques, et assez étendus. Disons l’Expressionnisme au sens large (avec ses
précurseurs et ses néo), le Dadaïsme un peu, le Pop Art beaucoup.
Les graphistes Bruno Richard, Philippe Bailly (Ti5dur), les dessins de Picasso,
Matisse, Dix, Schiele (excusez du peu !). Mais il y a tant de belles
choses…tant de gens qui ont fait des oeuvres intéressantes. Je suis un peu
éponge sur les bords.
Françoise Duvivier - Qu’est ce que l’art pour toi ?
Dominique
Leblanc - Le fait de créer quelque chose, ou de l’interpréter,
le moment de l’action. Une fuite aussi, hors du quotidien. Mais il faut savoir
fuir, n’est-ce pas ?
Françoise Duvivier - Te sens tu être un artiste ?
Dominique
Leblanc - Je me suis vaguement posé la question autrefois, en y
répondant d’abord « non » : je n’ai jamais voulu « être un
artiste » de profession. Mais de facto, oui : un artiste intermittent.
C’est une manière d’aborder le monde, vu
d’à côté, en l’interprétant à sa guise, comme on peut, parfois comme on veut quand ça marche. C’est irrationnel,
ça correspond sans doute à une insatisfaction. Il y a d’autres manière de
l’aborder, le monde : on peut vouloir le régenter, l’organiser ou
l’expliquer. On devrait pouvoir s’en contenter, et c’est le cas pour la plupart
des gens, je suppose.
Françoise Duvivier - Et le mail-art ?
Dominique
Leblanc - Le mail-art, l’art postal…
Sur cent produits « underground » que nous recevions entre 1980 et
1990, il y avait 50% de mail-art. Au retour des vacances, la boîte en était
pleine. Des gens plutôt organisés, ayant conscience de faire partie d’un
ensemble très vaste et international. Un truc fondamentalement gentil.
Ce n’est pas de l’art, en général, mais ce n’est pas inintéressant non plus. Un
côté altermondialiste avant l’heure. J’ai consacré un numéro de Peltex (le n°7)
à ce mouvement. C’est tout. Ce n’est pas l’esprit de Model-Peltex, même si je
suis personnellement adepte des enveloppes décorées.
Françoise Duvivier - En
effet, j'ai connu ta production lorsque je faisais moi-même du mail-art - voici
le pourquoi de ma question!
Parle
nous sommairement des gens que tu as présenté – pourquoi ? - leur spécificité ?
Dominique
Leblanc - Lorsque
les Models ont cessé de vouloir bosser gratuitement pour moi – c’est à dire de créer tout court en fait (ils ont
un métier en rapport avec l’art, mais plus guère le temps ou l’envie), je me
suis tourné vers tous ceux qui, en France et ailleurs, avaient une certaine notoriété
dans le domaine du graphzine : Krabs, Infrarot, Iskra, Desvois,
Duvivier J. D’autres se sont présentés spontanément…
Faire un graphzine tout seul, ça demande une énergie considérable et une bonne
dose d’aveuglement. Mieux vaut s’y
mettre à plusieurs.
Peltex n°8 et ses livrets alphabétiques m’a permis de faire un quasi
recensement, à un moment donné, des graphistes ‘underground » de ma
génération. Et la formule était intéressante, ça piquait le côté collectionneur
de ceux qui nous achetaient nos productions.
Je suis souvent passé outre mes préférences,
cela dit, pour ne pas faire de peine. A tort sans doute, mais c’était difficile
de faire autrement. Je demandais un travail sur un thème, ce n’était pas toujours
très bon, mais je le publiais quand même parce que le gars ou la fille avait
bossé sincèrement et que je l’aimais bien.
Françoise Duvivier - Au niveau international, peux tu nous dire
tes choix et préférences en graphzines, BD, mangas etc. ....
Dominique
Leblanc - Je connais mal. Je n’apprécie pas trop le style
underground américain, genre Gary Panther
ou Spiegelmann, ou Crumb. Un peu trop BD et illustratif à mon goût.
Une principale exception, Julie Doucet. Mais déjà, c’est une francophone. Elle
était charmante (l’est toujours), on a beaucoup correspondu…
Une sorte de Sophie Calle de la BD, avec beaucoup d’autodérision et d’humour.
Les mangas, ce n’est pas mon monde. Ca ne
m’intéresse absolument pas, du point de vue plastique. Je ne dirais pas que
c’est mal fait, non, mais ça ne me
parle pas.
Françoise Duvivier - Pourquoi ?
Dominique
Leblanc - Comme les graphs « street-art » d’aujourd’hui,
les thématiques m’indiffèrent, et les graphismes me semblent répétitifs.
Françoise Duvivier - Comment peut on se procurer "MODEL-PELTEX"
- l'adresse, la distribution, frais de port?
Dominique Leblanc - Après
17 ans d’interruption, le petit réseau « d’abonnés » qui nous suivait
a disparu, bien sûr. Donc, vente par correspondance uniquement, sur le site http://modelpeltex.free.fr)
Sur Ebay, aussi, on
trouve parfois des Peltex. Peut-être y a-t-il encore quelques exemplaires à la
librairie « Un Regard Moderne » (Paris).
Mais ça n’a pas grande importance. De toute façon, Models n’a plus grand chose
à vendre, sauf la dernière création, Peltex N°8 lettre Z, qui est parue en
juillet 2011. Et un Peltex n°10 sur le thème « Danses macabres ». Par
contre, il y aurait beaucoup d’originaux (Models uniquement), des maquettes de
pages, etc. Pour un musée Peltex, j’ai le fond !
Peltex n°8 lettre Z comme zombies (by D.L)
dessin de Bruno Richard dans Peltex n°8 lettre Z, spécial Zombies 2011
Peltex N°8 est en chantier depuis 1988, ça doit être une sorte de record. En tout cas pour un graphzine.
Initialement, la lettre Z était réservée à Zaza. Mais Zaza ne dessine
plus.
Alors, j’ai contacté les « anciens » de Peltex, ceux que j’apprécie le plus, pour ce qu’ils font et pour ce qu’ils sont : Antoine Bernhart, oldschool dandy rock strasbourgeois pour qui le mort-vivant est un costume qui va de soi, Bruno Richard qui dessine depuis toujours avec du sang (entre autre) de sorcier vaudou, Françoise Duvivier, déjà morte au moins une fois et qui ne s’en lasse pas, Dominique Leblanc qui bat la campagne…
Et puis Ewa Bathelier, qui sait faire d’une simple robe de forts jolis
fantômes de danseuses assassinées…
Donc, Z comme Zombie, ou série Z. Il y avait aussi Zorro, mais le thème est moins consensuel dans l’underground. Zizi aurait plu sans doute, mais je n’avais pas envie de petits dessins « rigolos ». Ni même de zombis « rigolos ».
Oui, j’y viens : pourquoi « zombie » ?
Le mort-vivant interpelle bien,
les no man’s lands ont leurs charmes pourris, l’exquise beauté des cadavres,
c’est une vieille histoire. Je vous la raconterais bien, mais pas la place, ni
vraiment l’envie d’ailleurs..
Il faudrait alors remonter aux totentanz, faire une pause du côté de Grünewald et de Goya, humer la charogne de Baudelaire, redire que le meilleur film de mort-vivants, c’est la nuit éponyme de Romero, disserter sur Spilliaert et Ensor, convoquer St-Saens, mais vous savez déjà tout cela. Ce serait ennuyeux, alors que justement, les zombis sont tout sauf générateurs d’ennui. On les aime pour ça.
- « Garçon, un écorché pas trop frais, s’il vous plait ! La bière viendra après. »
C’est l’avantage de l’horreur sur
la mélancolie : ça dure moins longtemps, et c’est plus intense. Courez,
courez, votre cauchemar préféré vous rattrapera lentement, très lentement…
Pas si lentement que ça, en fait.
Mais un dessin, une peinture, ça ne peut pas être
horrible. Je veux dire, volontairement. Un film, oui, une musique, à la
rigueur, la « réalité » souvent. Ne jamais oublier les guillemets en
écrivant « réalité ».
Il faut de la beauté plastique même et surtout
dans un thème comme celui-là : un bras désarticulé, c’est un dérangement
de l’ordre des choses, et ça c’est la fonction de l’art. Déranger les pensées,
inverser les circuits, disjoncter parfois…
Dans le vivant, c’est souvent le mort qui m’intéresse. Et vice-versa.
La
frontière est parfois floue. Le squelette est un prêt-à-porter jamais loin, le
mort-vivant un crocodile à l’affût à la surface de l’âme. Une possibilité
aussi. Je le soupçonne dans les hôpitaux, dans les maisons de retraites plus
que dans les cimetières de Louisiane. Je le croise parfois dans la ville, le
devine dans ma mémoire, le redoute dans les miroirs.
Mais c’est de la littérature, ça. Place aux images !
A oui, j’oubliais : cette lettre a été tirée
dans un premier temps à cent exemplaires numérotés.
Si nécessaire, il y aura un deuxième tirage, pas
numéroté. Et ce sera tout.
Vous pouvez contacter Model-Peltex à l’adresse http://modelpeltex.free.fr/ ou par
courrier au 3 rue de Wissembourg, 67000 Strasbourg. France.
On a besoin de rien, les chevalets n’ont pas de poches. Mais je suppose que vous pouvez quand même acheter d’autres lettres de ce numéro 8, et certains dessins originaux.
Canbell, pour Model-Peltex. Juin 2011
Couverture (Dominique Leblanc)
Model-Peltex way of no-life (by D.L)
GRAPHZINE/GRAPHZONE, un essai de Xavier-Gilles NERET (by D.L)
GRAPHZINE/GRAPHZONE, un essai de Xavier-Gilles NERET aux éditions Dernier Cri/Sandre. Paru en septembre 2019
Il était attendu dans le microcosme des graphzineurs, il est là, pile à l'heure. Ce qui prouve déjà que ce n'est pas un graphzine (ça y ressemble néanmoins un peu), mais un livre sérieux. Un livre de recherche universitaire, son auteur étant professeur agrégé de philosophie encanaillé vers l'histoire de l'art, et pas n'importe laquelle, celle de la marge.
J'ai déjà eu l'occasion d'écrire sur la maison d'édition "le Dernier Cri" et son énergique gourou, Pakito Bolino. On retrouve bien ici la coloration typique de cet atelier d'impression, couleurs louches, roses mourants, jaunes sourds. Pourquoi pas. La couverture (Bolino ?), pas trop sobre, pas trop criante, une sérigraphie de bon aloi dans des tons fluos verts zombie (il y a aussi une version de la couverture plus automnale), rien à redire.
J'en profite cependant pour signaler que le livre demande à être manié avec plus de précautions que je ne l'ai fait dans ma hâte de le découvrir, les pages ont malheureusement tendance à se détacher. A vrai dire, la raison en est technique : l'éditeur a utilisé un système de collage basique pour rester dans les clous du point de vue financier. Sinon, ce n'était pas 25 euros qu'il aurait fallu payer l'ouvrage, mais le double.
Ouvrage qui fait 160 pages, reliure souple, dodu comme il faut, pour un prix très accessible au futur graphzineur un peu serré du porte-monnaie. Le tout tiré à 2500 exemplaires, ce qui est relativement peu (attention, futur collector !) mais je comprends la prudence des uns et des autres : les graphzines, ça intéresse combien de gens en francophonie ? Si on estime par rapport aux tirages passés moyens de ces objets
étranges, il est à tout casser de 1000 personnes, au doigt mouillé,
mais j'ai foi en mes doigts.
Cependant, on ne parle pas d'un graphzine, mais, nuance, d'un livre SUR les graphzines.
Commençons au commencement : GRAPHZINE/GRAPHZONE est dédicacé à des morts méconnus du public (même cultivé, même arty) quoique ces noms soient illustres auprès de leurs pairs graphzineurs : au début, il y avait le libraire Jacques Noël (Un Regard Moderne),et ses apôtres, les dessinateurs Lulu Larsen, Jocelin, Doury, Levasseur (donc, tous morts récemment : on dirait que ça ne conserve pas, le dessin underground).
D'autres aussi, aujourd'hui, mais ceux-là bien vivants, suivent le même chemin
exigeant et parfois ingrat. Même si d'autres Rimbaud du graphisme ont pris un
chemin parallèle (Infrarot, ZUT Pds), ou ont même carrément disparu dans la
nature (Y5P5, Ti5 Dur, Krabs, Desvois, Heilmann, etc, etc.)
Au passage, Neret n'ose sans doute pas le souligner, les graphzines c'est un monde d'hommes. Faut quand même être rudement combatif (j'avais un autre mot en tête) pour porter des projets pareils à bout de bras, pendant des années, pour se pointer dans des librairies indifférentes (souvent) avec ses trois pauvres fanzines sous le bras et son ego d'éditeur incompris et solitaire. Faut croire en soi, ne jamais douter, sinon, c'est comme s'arrêter en vélo, on se casse la gueule, on regarde en arrière et on se demande si on n'a pas perdu son temps. Les artistes femmes sont moins naïves et plus réalistes aussi, ou moins patientes, et puis, mettre leurs ovaires sur la table, c'est pas leur truc. Les éditrices de graphzines se comptent donc sur les doigts d'une main : Olivia Clavel (Bazooka), Anne Van Der Linden, Zaza (Model-Peltex), Françoise Duvivier (Métro Riquet), Catherine Dard...
Revenons au livre. L'auteur prévient : tout le monde n'y sera pas, dans GRAPHZINE/GRAPHZONE.
Ben oui, ce n'est pas une une encyclopédie
des dessinateurs "underground", juste une sélection orientée par les
affects de l'auteur. Ce qui n'empêche pas la rigueur, et un balayage quand même
assez large, avec beaucoup de noms cités, et pas mal d'illustrations (je les aurais préféré moins floues, plus nombreuses, en noir et blanc peut-être, mais c'est un détail sans grande importance).
L'accent est mis sur un petit groupe d'artistes : Bruno Richard (normal, incontournable, qui
se définit curieusement en "communiste artistique"), Infrarot, Pakito
Bolino, Stu Mead (choix plus étrange), Gary Panter, Hegray, Daisuke Ichiba
(que je ne connaissais pas, honte), les libraires sympathisants de la cause (Jean-Pierre
Faur, Jacques Noël).
Dans le premier chapitre, Neret remet les pendules à
l'heure, explore le concept même de graphzine, recadre les définitions
existantes, et propose la sienne. Cela méritait d'être fait depuis longtemps,
ses définitions sont pertinentes et pourront faire jurisprudence. Je ne les
résume pas ici, après tout mon objectif c'est de vous faire acheter l'ouvrage
et donc de vous inciter à voir par vous-même.
Indispensable aussi : établir la distinction entre fanzines et graphzines. Deux mondes parallèles, aux objectifs totalement différents, mais qui ont pu parfois se mélanger (magazine "Hello Happy Taxpayers" par exemple). Disons le au passage : il y a eu beaucoup plus de fanzines que de graphzines, et à des tirages bien supérieurs, d'où la confusion dans l'esprit du public, même chez celui qui comprend au moins de quoi on parle ici.
Ensuite, Neret démarre sur Bazooka, le seul "groupe" de graphistes un tant soit peu connu institutionnellement, même si les Bazookas qui restent travaillent maintenant en artistes solitaires : Kiki Picasso, Olivia Clavel, Loulou Picasso.
L'auteur, donc, démarre très
classiquement sur eux comment faire autrement, c'est la statue du
Commandeur, Bazooka, mais assez vite il embraye sur la seconde génération de
graphzines, ceux d'ESDS, du Dernier Cri et d'Infrarot notamment.
Sur Bazooka,
il fait relativement court. D'abord parce que Seisser a à peu près tout raconté
sur ce "commando artistique", pas besoin de refaire le boulot. C'est
normal, c'est judicieux d'élargir le champ de la recherche, et l'on sent bien
qu'il les aime ces artistes "du second groupe" comme il les définit
en soulignant les filiations avec ceux du premier.
Neret - soulignons-le - sait se mettre en
retrait, c'est un Restany discret : il a interviewé, échangé, corrigé en fonction des réponses ses informations, et ses citations des propos des uns et des autres sont
passionnantes (surtout lorsque l'on connaît les protagonistes, car pour le
lecteur "vierge", je ne sais pas).
Par exemple, Bruno Richard (Elles Sont De Sortie) donnant du
graphisme des 80/90's cette savoureuse définition :"les hippies
faisaient des dessins ronds, nous on ne fait pas des dessins ronds, on fait des
dessins méchants"). Oui, cher BR c'est exactement cela ! on est passé de
la courbe à l'angle, et du point à la ligne. Lumineuse évidence, maintenant
qu'il le dit.
La querelle Garcia/Blanquet, si pittoresque, m'a bien fait rire aussi.
Quoi d'autre ? Un chapitre sur le rapport graphzine/politique
: pour faire court, il n'y en a pas. Maintenant, force est de
reconnaître que, si les artistes eux-même sont leur propre parti, ceux qui leur
donnent une résonance plus vaste (on a même parlé de "récupération") sont
quand même très marqués à gauche, pour ne pas dire parfois à l'extrême-gauche :
Libération, Zoulou, l'Echo des Savanes. La révolution graphique, ça ne mange
pas de pain, pas besoin des foules de prolétaires.
J'ai déjà dit que les
fanzines étaient ouvriers, et les graphzines pour la plupart fabriqués par des
étudiants en art ? Bref, art et politique, ça ne se mélange que difficilement,
et c'est tant mieux.
Le problème des originaux est abordé, un aspect des choses intéressant qui aurait pu être davantage développé (oui, je sais, fallait bien arrêter quelque part !). Parce qu'à un moment donné, plus d'un graphzineur a tenté l'oeuvre unique (non éditée), originale, donc "présentable", donc exposable, donc vendable. Car faut bien vivre, mon bon monsieur, et ils n'avaient pas tous les moyens de Degas ou Toulouse-Lautrec.
On retrouve là la même problématique que pour le Street-art : pas facile de vendre un mur, alors faut passer à la toile, mais du coup on perd ce je-ne-sais-quoi de consubstantiel au charme du graphzine (ou du pochoir), et en général, ça rate. On perd son public de base sans en gagner véritablement un autre. Pas le même monde, en fait.
Bon, ça ne rate pas toujours, et ça ne rate pas toujours complètement, mais honnêtement je ne connais pas d'exemple de graphzineurs qui soient passés avec un total succès dans "l'autre camp", celui de l'institution, des Beaux-arts. Si l'on prend l'hebdo du même nom, la référence en France, c'est pas souvent que l'on y présente le travail de Loulou Picasso ou de Lagautrière, ou même de Miss Tic pour parler du créneau d'à côté, pour ne citer que les trois premiers qui me viennent en tête. Une trop forte odeur d'underground, ça fait fuir apparemment, comme un lecteur du Monde surpris à lire de la bédé pornographique. La marginalité, revendiquée au début, colle ensuite un peu trop aux semelles du graphzineur.
Et puis quoi ? Je voulais faire court, mais impossible d'expédier comme cela l'ouvrage tant le
propos est vaste et ouvre des pistes; déjà, pour une fois que l'on tient un
"critique" d'art qui s'intéresse à nos petites productions, on ne va
pas le laisser filer comme cela. J'ai déjà dit que son bouquin était réellement
excellent ? Qu'il fallait l'acheter, déjà parce que dans sa catégorie il n'y en
a pas beaucoup d'autres ? On le trouve certes partout mais ça risque de ne pas durer
(on le trouve même sur Amazine, c'est dire).
Alors, merci cher Xavier-Gilles, et persévérez, creusez, vous le faites avec honnêteté et talent !
Danses macabres : le Dernier Cri (by D.L)
Alors oui, bien sûr.
Faut examiner la descendance, cependant, vérifier déjà si elle existe, et justement il se pourrait qu'elle soit nichée dans ce Dernier Cri qui s'est répercuté jusqu'au musée d'Art Moderne de Strasbourg, rayon central, en majesté d'exposition.Le graphisme underground dans les années 70, mort au début des 90,s. Rip ?Ou pas, faut voir. On est là pour ça aujourd'hui.
Les graphzines, puisque c'est d'eux que nous voulons parler ici, les graphzines ne sont pas morts de leur faible notoriété, ni de leur absence absolue de rentabilité, moins encore de la lassitude de ceux qui les faisaient vivre, et se faisant se faisaient vivre eux-même. Vivre intellectuellement s'entend. Heureusement, les dessinateurs avaient généralement à côté de petits boulots honnêtes : livreur, sérigraphiste, pute, prof d'arts plastiques...
Ces "revues" ne sont même pas mortes de leur public étique, car après tout être (à l'extrême rigueur) son seul lecteur a quelques avantages, la critique est d'autant plus indulgente. Quoique...
Ces revues donc, qui étaient nées du développement à prix démocratique des moyens de communication (stencils, photocopieuse, offset, puis sérigraphie) ont été rendues obsolètes par plus gratuit qu'elles, l'internet a eu leur peau de papier. Les graphzines sont d'abord devenus des webzines, dans un inutile réflexe de survie, et puis ils sont devenus plus rien du tout. De petites gouttelettes d'images brutes perdues dans l'infini ressac numérique.
Mais n'allons pas trop vite. En ce temps là, donc, celui de l'âge d'or - nous sommes en 1985 - des dizaines de publications home made - c'est à dire sans véritables éditeurs ni distributeusr - s'échangent, se donnent, se vendent parfois. Des libraires ultra-spécialisées, dont l'archétype désormais divinisé par ses dessinateurs orphelins restera Jacques Noël le bien nommé; un ou deux libraires "de niche" par capitale occidentale. Berlin, Bruxelles, Londres, chaque métropole a eu son petit lieu discret qui proposait à un public très connaisseur et sous le manteau des graphzines hors de prix, parce que, ben oui, quand on vend très peu faut vendre très cher pour rentrer au moins dans ses frais. D'où le paradoxe que des revues faites pour tous se retrouvaient d'emblée dans les bibliothèques d'amateurs plus qu'avertis.Dans ces temples du graphisme d'à côté, on trouvait un capharnaüm invraisemblable de revues érotiques vintage, de photographies sado-masos plus ou moins artistiques, de livres d'art d'artistes inconnus, de fanzines sans fond ni forme, de publications étrangères improbables que l'on baptisait pépites, un peu vite parfois. Tout ce qui est rare ne vaut pas cher. Mais parfois, si. Encore une fois, la librairie "Un regard Moderne" de Noël, ex des Yeux Fertiles, représentait l'archétype de ces endroits insolites pour lesquels on faisait le déplacement depuis Strasbourg : d'abord, on rendait visite au Regard Moderne, ensuite au musée d'Orsay, puis le Louvre, c'était la hiérarchie des passionnés, Model-Peltex en faisait partie.Chez Noel, c'était un peu comme dans la bibliothèque confiée à Gaston Lagaffe. il fallait rentrer le ventre pour se faufiler dans des passages étroits, il y avait autant de pleins que de vides, voire plus. Je me demande au passage ce qu'est devenu ce stock invraisemblable ?
C'était une boîte à bonbons graphiques. Les bonbons n'étaient pas donnés, on l'a dit. mais le placement n'était pas si mauvais; nombre de ces revues se vendent fort bien, aujourd'hui encore, lorsque par hasard on les retrouve proposées sur un site d'enchères en ligne. Noel, c'était l'abbé Pierre des graphzineurs, depuis le début.Qui n'y a pas trouvé refuge, consolation, et surtout un rien de reconnaissance ? Sont passés par là les Bazookas (pas longtemps : fils anarcho-punks du journal Libération à qui ils servaient de caution culturelle, eux avaient les moyens (mérités) d'éviter les laborieux circuits alternatifs), Bruno Richard et Doury (qui faillirent suivre la même trajectoire que les Bazookas, mais ce n'était pas la même chanson et le recyclage a partiellement raté), Placid et Muzo (recueillis ensuite en tant qu'illustrateurs par le même journal Libération), les ZUT Production, Y5P5, Jocelin, Krabs, recueillis par personne.On pouvait y acheter des titres français et étrangers, citons parmi des dizaines d'autres Raw, Dirty Plotte, Casal, Elles Sont de Sortie, 0+0, Bazooka, Amtramdram, et Model-Peltex.
Venons-y, à Model-Peltex, après tout c'est à cela que je veux en venir, c'est pour raconter encore une fois la petite histoire de cette chose graphique que je suis là, et aussi parce que Paquito veut un contexte autour de la vingtaine d'oeuvres d'artistes divers que je lui ai envoyé.
Peltex n'est pas le plus connu des graphzines que nous avons déjà cités. Déjà, ce n'était même pas un titre parisien. Handicap presque rédhibitoire, on le savait mais qu'y faire ? Et oui, il y en a qui ont de la chance, ça naît à côté des Beaux-arts de Paris, leur atelier a vue sur le festival d'Angoulême, alors que certains n'ont que le cabaret La Choucrouterie comme horizon culturel. Oui, bien sûr, il y a pire...Abidjan ou Illzach-Modenheim. Je le sais, j'y ai vécu aussi.
Et donc, le petit graphzine Peltex (on traitera le détail ailleurs, une autre fois), se donnait un mal fou pour exister. Faute de véritable lieu d'implantation local et moins encore national (4 ou 5 petits points de vente réguliers, et encore !), Peltex développa un réseau d'abonnés/collectionneurs, qui nous achetaient régulièrement nos graphzines, par correspondance. Peltex sortit neuf numéros, et le fanzine La Langouste une vingtaine.Tout passait donc forcément par la poste, et qui dit poste dit courriers, répondre aux courriers, envoyer des courriers, manger du courrier. Les retours de vacances n'étaient pas tristes, c'était la hotte du père Noël (on y revient toujours) ! Une demi-dizaine de disques plus ou moins supportables, des cassettes démos, des graphzines, tous les fanzines de la terre, du mail-art, des reproches, des propositions....Mais faut pas imaginer une ruche de graphzineurs et leurs groupies qui bossent comme ça, pour le fun. Non, Model-Peltex, très vite, ça n'a été que deux personnes, Leblanc et sa copine Zaza, et Zaza ayant autre chose à faire au bout d'un moment, on est vite arrivés à l'os.Je suis cet os.Pour faire un graphzine, en général on choisissait un thème. Un classique racoleur, ou du grand n'importe quoi, peu importe. Par exemple, Peltex n°3 "Y a t-il une vie sexuelle après la mort ?" ou encore Peltex n°6, "spécial Bondage". Il y eu aussi un numéro plus intellectuel - un "spécial mail-art". Le n°7.
Avec le numéro 8, toutefois, on a innové, en le découpant en 24 petits sous-numéros, classés de la lettre A à la lettre Z. A chaque lettre correspondait un nom d'artiste, ou plus souvent deux : B comme Antoine Bernhard, E comme Elles Sont de Sortie, J comme Jocelin & Joan, I comme Infrarot & Iskra, Y comme Y5P5, etc.L'ensemble a balayé le spectre de "l'underground" français, mais pas que : Henriette Valium, Julie Doucet, des canadiens. Une pincée aussi de Nord-américains. Parfois, la lettre correspondait à un thème, ce qui permettait de regrouper des artistes déjà parus, ou découverts ultérieurement. Ca donnait des titres comme "Underground Graphismes", ou "Compilation X", ou bien encore la lettre G comme "compilation Graphique" dont un certain Pakito Bolino illustra la couverture.Ce numéro 8 fût, à notre échelle, un succès d'édition. Le plaisir de la collection, sans doute. Nous en avons distribué au total pas loin de 5000 exemplaires. Tout cela en même temps que La Langouste, qui traitait, elle, de l'actualité fanzinesque et graphzinesque.Tout cela assemblé, agrafé, enveloppé dans le salon. Vous imaginez, les milliers de pages dans tous les coins.
Et tout cela partait bien sûr par la Poste, et encore par la Poste. Remercier les uns, encourager les autres, relancer tel artiste, solliciter les librairies, un boulot de dingue. Et donc, tout s'arrêta vers 1993. Overdose d'écrits.Il y a d'autres raisons, bien sûr, mais ce n'est pas le propos d'aujourd'hui. La Langouste tira sa révérence, Peltex n°8 fût stoppé net : il ne restait à vrai dire que deux lettres à sortir, la lettre Z comme Zaza, et la lettre L comme Leblanc, les capitaines étant prévus comme derniers édités. J'ai plaisir à dire que ces deux lettres sont finalement sorties en 2011 et 2012, parce que Peltex c'est comme ça, c'est une idée qui revient toujours (bien que la lettre Z soit devenue un "spécial Zombies"). Au moment de l'arrêt éditorial de ce qui n'était plus depuis longtemps une vraie association, il restait néanmoins encore deux numéros qui mijotaient sur le feu :.Peltex n°9, qui regroupait l'ensemble des numéros déjà sortis de La Langouste, avec un index, le tout accompagné d'une série de textes écrits sur le thème du comment et du pourquoi de l'édition. Ce numéro est paru à cent exemplaires. Royal. Il aurait pu y avoir une encyclopédie, j'ai capitulé devant l'ampleur de la mise en page. Dommage, il ne sera plus très facile de réaliser une telle somme désormais.
Mais il restait surtout, bien avancé, le numéro 10 de Peltex, qui devait s'intituler "danses macabres".C'était un joli projet, une quarantaine de planches pour la plupart en couleur, au format 30 x 30 (l'idée, c'était un format 33 T à accompagner d'un vinyle), la plupart des œuvres devant être sérigraphiées,Tout était presque prêt, même les musiques, il n'y avait plus qu'à trouver l'éditeur, c'est à dire un brave artiste/sérigraphe prêt à nous sortir ça pour pas trop cher. Un Pakito Bolino alsacien quoi.Je n'ai pas trouvé cette perle.
Peltex n°10 Danses Macabres resta dans les cartons. Le disque 33 tours qui devait l'accompagner sortit quand même sous forme de cassette audio, grâce à l'énergie de Jérôme Roemer et de son label Headkleaner.
Le temps passa. Forcément, régulièrement, le carton à dessin ressortait, et, devant la qualité et le travail déjà réalisé, j'éprouvais un vif, de plus en plus vif, sentiment de regret. De remord aussi. L'impression de n'avoir pas été à la hauteur des attentes des dessinateurs. D'avoir trahi.Dans le carton, il y avait un magnifique dessin de Y5P5, prévu pour une sérigraphie en 4 couleurs. Un autre de Lombardi, son ami de l'époque, mort depuis. D'autres oeuvres, de Bruno Charpentier des ZUT Productions (nos frères d'armes !), des frères Poincelet, De Paquito, de Françoise Duvivier, de Makhno Masaï, du Tiger Group.
Et voilà. Un projet ancien, jamais abandonné, une idée tournée au fil des ans de mille manières dans une tête fatiguée, et tout d'un coup une dernière illumination, après avoir rencontré sur les étagères de la librairie du MAMS les magnifiques éditions du Dernier Cri. S'il n'en reste qu'un, qui soit capable de s'intéresser à ces oeuvres inédites et j'espère d'en faire quelque chose d'intéressant, ce sera l'éditeur-artiste de cette maison d'édition (on peut dire "maison d'édition ?)
Alors, mon cher Paquito, je te balance le vieux bébé graphique dans les bras !
Le rayon du graphzine Le Dernier Cri au MAMS (Musée d'Art Moderne de Strasbourg)
Fessenheim : et ça se passera près de chez vous...(by D.L)
J'ai manifesté antan contre la construction de la centrale de Fessenheim. Même à l'époque, tout le monde ne considérait pas l'énergie atomique comme l'avenir de l'humanité, faut pas croire.
Par la suite, au fil du temps, toujours vaguement inquiet, mais bien chauffé, bien éclairé...on s'habitue à tout, même à l'idée de vivre à côté d'une potentielle décharge radioactive.Et puis, toujours pas d'accident nucléaire en France, en tout cas rien d'assez important pour être officiellement porté aux oreilles d'un public qui regarde essentiellement le montant de sa facture d'électricité et plus belle la vie, mais c'est un autre débat. J'y pense et puis j'oublie. Cependant, il y eut Tchernobyl, puis Fukushima. Et des centrales qui ont poussé comme des champignons radioactifs au 4 coins de notre bien petit petit pays. Même alors que l'on en avait plus besoin, vu que nous sommes la plupart du temps en sur-capacité nucléaire. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Gadault & Demeude, ils ont l'air de savoir de quoi ils parlent.
Des centrales qui ont vieilli, au point que pratiquement toutes approchent l'âge de la retraite (fixé à 40 ans par les constructeurs eux-même), et devraient donc être déjà en cours de démantèlement pour laisser la place à autre chose. De l'éolien, du photovoltaïque, des générateurs à pédalier, des sur-bougies , ou même de nouvelles centrales nucléaires d'ailleurs, qu'elles aient au moins un plancher en béton neuf. Oui mais : démanteler, on sait moyen. Et même si on savait bien, ça coûte un pognon de dingue, comme dirait l'autre, et du pognon, EDF n'en a pas tant que ça, et surtout pas pour ça. 34 millions de dettes, fourchette basse : n'importe quelle autre entreprise non publique aurait depuis longtemps mis la clé sous la porte, et d'ailleurs, ça arrivera peut-être un jour : "démerdez-vous braves gens avec vos 52 réacteurs en activité, nous on est fauché, ciao, on ferme la baraque, on rend tout !".De toute façon, construire des nouvelles centrales, certains indices donnent l'impression que l'on ne sait plus trop comment faire non plus. Quand on vous dit que le niveau du bac S a considérablement baissé...
Et si l'on ne trouve plus les dizaines de milliers d'ingénieurs et de techniciens compétents et motivés dont on a besoin pour entretenir le parc nucléaire ? On sous-traite aux russes ? Et si on a une guerre civile de quelques mois ou quelques années- ça c'est vu dans l'histoire - elles deviennent quoi, nos centrales, qui s'en occupe pour pas qu'elles sautent en une semaine ? Et nous, on fait quoi, hara-kiri ? On a un autre pays sous la main ?
En attendant, EDF qui nous propose régulièrement ses actions un peu vermoulues et ses compteurs dont personne ne veut, cette institution qui se confond avec la France, en qui on nous appris à avoir autant confiance que dans la vache qui rit, se pourrait-il qu'elle nous mène en bateau ivre, et que - pire encore - plus personne ne maîtrise vraiment cette galère à la dérive ? J'espère quand même que non, j'ai une famille.
Illustration : Dominique Leblanc, 2016
Alors, j'ai commencé à stocker un peu d'eau dans dans ma cave, suis allé à la pharmacie, voir où en étaient les stocks d'iode de potassium, des fois que. Limite placebo probablement, le potassium (à prendre dans les 4 heures après exposition), mais ça rassure et que faire d'autre ?Oui mais, les stocks d'iode constitués lors de la panique Fukushima ont été atteints par la date de péremption - dixit la pharmacienne navrée - et du coup détruits, donc en cas de souci, vous fatiguez pas à en chercher, y a pas.
Illustration : Dominique Leblanc, 2016
2018 - La France n'aime pas ses artistes : Bruno Richard (by D.L)
Dessin de Bruno Richard - Peltex n°5
BR – BRUNO RICHARD : une écriture automatique et rapide aux tracés morphologiques, sans proportions ni repentirs. Directement des tripes (je dis des tripes, façon d’écrire, pensez plus bas) au papier, une dense et asphyxiante fumée graphique sans le moindre filtre, et cette absence de filtres force déjà le respect, mais ça ne suffirait pas, il faut qu’il y ait autre chose. Le vieux procédé surréaliste peut produire aussi facilement le très bon que le n’importe quoi, et chez BR, commençons par dire cela pour poser l’atmosphère, tout est bon. Comme chez Picasso, comme chez Schiele, comme chez quelques rares, et il n’y en a pas eu tant que cela au 20ème siècle ni avant. Il n’y a pas cependant que cette brutalité première, cette vitesse probable d’exécution, ce côté sismographique, il y a quand même probablement quelque part un processus d’autocontrôle et il me semble qu’il est très largement a postériori, au moment de l’édition – je veux dire de l’impression. Mais déjà la question : jusqu’où peut-on accepter de laisser connecté via la plume son inconscient à la feuille ? Ca dépend sans doute de la qualité de l’inconscient, encore faut-il qu’il soit à la hauteur, pas juste bêtement dangereux ou pervers. Chez BR, je ne crois pas qu’il y ait des limites, il a tout recherché et osé de ce qui fait la bête chez chacun : les fluides corporels, l’imagerie nazies, les sexes sans glamour à toutes les sauces, les photos d’opérations, mais pas les jolies infirmières bondagées comme chez Slocombe. Sans même la poésie mélancolique des Bazookas, sans une once d’humour, en y réfléchissant bien. Ou alors un humour vraiment très private joke. Plutôt comme dans les vidéos/musiques de Jean-Louis Costes – pour le fond provocateur, Costes c’est ce que je vois de plus proche - mais en artiste de métier, lui, (ce n’est pas un gros mot), qui maîtrise à la perfection son dictionnaire d’invariants plastiques, et c’est là sans doute le truc, une forme impeccable pour un fond insondable.BR est un chaman qui pratique l’auto-exorcisme et qui s’effare lui-même. Ca le rapproche de l’art brut, ça le rapproche aussi de la clinique psychiatrique la plus proche.Mais revenons sur le « à postériori ». Que fait Bruno Richard le matin ? Il se lève comme les poules (les goules ?), à la première lumière, et trace un ou deux dessins à l’encre de chine en se lavant les yeux avec le thé de son petit déjeuner. Ou le contraire. Les dessins vont dans des cartons, 400 ou 500 papiers chaque année, depuis 40 ans, ça fait 20 000 dessins dans 200 cartons au bas mot, sans compter le reste, quelques toiles sans doute, et des milliers de mots, de pages (je ne parlerais pas de textes), qui sont avec, ou à côté, ou à part des graphismes, les complètent et dialoguent avec. Eux aussi en écriture automatique, et cela se voit davantage (il en a d’ailleurs fait deux volumes d’un kilo chacun qui tiennent surtout de l’auto-analyse).Oui mais. Mais après, Bruno Richard est de loin le plus prolifique des graphzineurs français, depuis toujours il est partout, même dans le minuscule, même dans des tirages à trente exemplaires, il n’a jamais rien trié et a enrichi – on parle d’art s’entend - toute cette petite presse parallèle : ZUT Production, Model-Peltex, LPDA, etc, etc. Si l’underground avait un pape…Il serait celui d’une certaine édition, qui n’a pas les tirages pourtant déjà modestes de Beaux-arts – il y a bien longtemps que la France n’est plus le pays de l’art vivant, il y a bien longtemps que la France n’aime plus ses artistes tant qu’ils ne sont pas morts - mais une édition qui vaut quand même bien plus cher sur le marché des collectionneurs. Sous le manteau, c’est le cas de le dire. D’abord avec son compère de Elles Sont De Sortie, puis tout seul, et souvent associé à d’autres, associé en fait avec une étrange humilité et gentillesse à tout ce qui a été publié « d’underground » depuis 1975.Bref, pour éditer – c’est son truc - Bruno Richard trie, organise, retouche les dessins. Forcément. Il y a un premier criblage. Son vecteur favori, c’est la sérigraphie, mais la sérigraphie créative, comme Andy Warhol, avec épreuves uniques, et tirages expérimentaux. On garde les tâches et les bavures, on recherche l’inattendu.La sérigraphie exige un temps lent, et surtout un temps de répétition : faire les calques sur rodoïde, c’est repasser derrière son propre travail, et donc forcément effectuer une sélection, une relecture du premier jet. Il y a de la perte, sans doute, mais des ajouts aussi. La couleur déjà, qui kaléidoscopise les graphismes déjà déchirés. Et BR se révèle un peintre tout aussi brillant que le graphiste.
Bruno Richard, je scrute le travail pratiquement depuis ses débuts. Chose rare chez un artiste, il a constamment progressé, et progresse encore, meilleur maintenant qu’à vingt-cinq ans. Orienté d’abord illustration par l’air du temps (80’s) en école d’art, limite BD (comme les Bazookas dont il fût proche à un moment), il a su s’en extraire, changer de niveau et gagner l’intemporalité de l’histoire de l’art. S’il ne reste pas quelque chose de son œuvre dans 50 ans, c’est qu’il n’y a pas de justice plastique en ce bas-monde (ah bon, on m’informe que c’est le cas).Doté d’une énergie frénétique, une lecture facile pourrait faire dire que BR a sublimé une sexualité débordante dans un art qui l’est tout autant. C’est une vieille histoire, Eros et son copain des sales coups jamais loin, Thanatos, plaisir et douleur ensemble, comme chez Sade et pas mal d’autres.Alors bien sûr, il y a cela, forcément. Mais il, y a aussi en creux la recherche de l’invariant humain, du cerveau reptilien, du corps primitif. BR ne s’intéresse qu’aux gens. Pas un paysage, pas une nature morte dans son œuvre, guère d’autres accessoires que le fouet, les menottes et les petites culottes.
Model-Peltex copyright 30 septembre 2018
Peltex n°8 lettre Z comme Zombies (Leblanc, Bernhart, Bruno Richard)
Livrets disponibles aux Editions très underground Model-Peltex, cherchez sur Ebay on est pas en librairie.
Model-Peltex & Antoine Bernhart (by D.L.)
Mais bref, et puisque ce blog d'urgence se veut simple et sans chichi, voici l'info :
Format 15 x 10 cm, cover en rodoïde sérigraphié sur photocop couleur, une vingtaine de pages en noir et blanc. | Format 15 x 10 cm, cover en rodoïde sérigraphié sur photocop couleur, une vingtaine de pages en noir et blanc. |
Les oeuvres sont visibles dans la partie galerie de ce blog.
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